« Aujourd’hui, nous cherchons à empêcher Microsoft de prendre le contrôle d’un studio de jeux indépendant de premier plan et de l’utiliser pour nuire à la concurrence sur plusieurs marchés de jeux dynamiques et en pleine expansion »
Holly Vedova, directrice du bureau de la concurrence de la Federal Trade Commission, concernant le rachat d’Activision-Blizzard (2022)
Début 2022, Microsoft, propriétaire de Xbox, annonçait le rachat du géant du jeu vidéo Activision-Blizzard, éditeur de Call of Duty, Warcraft ou Candy Crush. Le montant record, 69 milliards de dollars, indiquait l’importance que Microsoft prête à la consolidation de sa division Xbox et en faisant la plus grosse acquisition de l’année[1]. Ce rachat ne va pas sans poser de questions, notamment en matière de concurrence au point où, en décembre 2022, la Federal Trade Commission annonçait vouloir empêcher la fusion au nom du risque qu’elle ferait peser sur le marché. Une première victoire pour Sony, principal concurrent de Xbox et en pointe de toutes les batailles juridiques pour empêcher ce rachat[2].

Activision-Blizzard est le 5ème plus gros éditeur de jeu vidéo au monde avec un chiffre d’affaires de plus de 8 milliards d’euros et plusieurs licences reines du secteur, dont le très rentable Call of Duty et ses 300 millions de copies vendues[3].
Si ce rachat est sans commune mesure avec ce que nous avons pu voir jusqu’à ce jour (à titre de comparaison, Disney a racheté Marvel pour 4 milliards de dollars[4] et Microsoft avait racheté Linkedin pour 27 milliards[5]), c’est le dernier d’une longue liste : après Mojang (Minecraft) en 2014, Microsoft s’est offert Bethesda (Elder Scrolls, Doom, Fallout) en 2020[6].

Pour comprendre le mouvement en cours dans le secteur, il faut rappeler le fonctionnement très particulier du monde vidéoludique par rapport aux autres secteurs culturels et ses implications économiques.
Le refus de la standardisation : l’exception culturelle du jeu vidéo
A plusieurs égards, l’industrie vidéoludique fonctionne depuis longtemps sur le modèle de l’industrie musicale : les studios développent les jeux, les éditeurs s’occupent de la commercialisation et les fabricants de consoles permettent de lire les jeux commercialisés. Ce fonctionnement est relativement commun pour les industries culturelles puisqu’il permet d’associer la créativité et l’agilité nécessaires au développement des œuvres à travers des studios par centaines et de taille réduite avec la capacité financière et l’expertise commerciale de grandes multinationales qui apportent les produits créatifs aux joueurs du monde entier.

Mais il existe aussi des différences majeures entre le jeu vidéo et le reste du secteur culturel. La première d’entre elles est le mélange des genres. Plusieurs acteurs sont à la fois fabricants de consoles, éditeurs de jeux vidéo et studios de développement. C’est le cas des plus grands du secteur : Microsoft (PC et Xbox), Sony (PlayStation) et Nintendo (Switch). Ce dernier fait même reposer tout son modèle sur une intégration verticale très marquée entre une console pensée sur mesure pour ses jeux et des licences phares reconnues et qui n’existent pas sur d’autres supports. Une stratégie « océan bleue » très différenciante des autres constructeurs. La force de l’écosystème Nintendo est donc que si vous voulez retrouver des personnages de Nintendo, vous devez jouer sur une console Nintendo.

Et c’est là la deuxième différence : au lieu de tendre vers un standard partagé par l’industrie et permettant de consommer indifféremment le fruit de n’importe quel studio de production sur l’appareil de son choix, il n’existe pas de compatibilité universelle dans le jeu vidéo. Un jeu publié pour la PS5 ne sera pas lisible sur Xbox Series. Certains jeux (beaucoup) sortent sur plusieurs plateformes à la fois, mais à travers des supports différents. C’est un phénomène très différent de ce qu’on a pu voir avec le Blu-ray ou le CD-Rom. Si la “guerre des consoles” existait encore dans le secteur cinématographique, la concurrence entre le HD DVD de Toshiba et le Blu-ray de Sony serait encore d’actualité et bien vivante. Nécessairement, la capacité à obtenir l’exclusivité de certains films sur un support plutôt qu’un autre serait alors primordiale pour la domination du marché…
Pourquoi existe-t-il encore une « guerre des consoles » ?
Il existe plusieurs raisons, notamment historiques, à ce phénomène, mais les deux plus importantes sont d’ordre technique et économique.
Techniquement, ne pas adopter un standard a permis une course aux meilleures performances et à la meilleure plateforme de développement pour les créateurs de jeu. Cela permet aux consoles de se concurrencer sur leurs capacités techniques, les rendus qu’elles vont pouvoir présenter, la qualité graphique des jeux qui vont être proposés, leur prix, mais aussi sur la façon même dont le hardware est conçu pour mieux coller aux attentes des développeurs et donc les inciter à publier leurs jeux sur une machine plutôt qu’une autre. Décider de porter un jeu sur Playstation et Xbox ou Switch implique d’adapter et modifier le jeu à chaque architecture, ce qui a un coût pour les studios. Ainsi, si PlayStation et Xbox ont des consoles relativement similaires et concurrentes, Nintendo, avec la Wii ou la Switch, a offert une expérience de jeu radicalement différente des deux autres. Le refus de standardisation par un acteur offre donc l’avantage au joueur de pouvoir profiter d’expériences différentes et/ou d’une compétition technique plus poussée, mais renvoie aussi aux choix des studios d’une architecture console plutôt qu’une autre. La compétition technique étant moins perceptible pour le consommateur de HD DVD ou de Blu-ray, bien plus similaires en termes d’expérience, un « design dominant » tend à en ressortir in fine : le Blu-ray s’est imposé comme standard unique en 2008 après deux ans de compétition et tous les films peuvent s’y adapter sans restriction.
Mais l’argument économique explique aussi, et sûrement mieux, le fait qu’il n’existe pas de standard du jeu vidéo : créer un écosystème assez large et rentable pour justifier la coexistence de divers acteurs y trouvant chacun leur compte. Dans ce cas, un nombre réduit d’acteurs peut se maintenir sur le marché en profitant de parts de marché minoritaires mais assez conséquentes en profitant des revenus liés à la fois aux ventes de la console, mais aussi aux services payants attachés (jeu online ou “game pass” par exemple) et aux revenus des jeux publiés sur la console, soit parce qu’ils bénéficient du “licensing” qui permet de publier sur leurs consoles (pour les développeurs tiers), soit parce qu’ils développement et éditent directement des jeux (pour les développeurs first-party ou internes). Ainsi, vendre une console signifie aussi ouvrir à un client à un écosystème complet qui rapportera de l’argent pendant plusieurs années, bien au-delà de la console elle-même.
D’ailleurs, les ventes de consoles sont relativement peu importantes dans le résultat financier de ces entreprises par rapport aux autres dimensions de l’écosystème, au point où Microsoft vend même à pertes la Xbox Series : entre 100 et 200 dollars de perte par machine[7]. C’est que la console en elle-même n’est que le moyen de faire entrer dans l’écosystème le joueur qui ensuite utilisera les différents services faisant réellement gagner de l’argent au constructeur, surtout qu’on choisit généralement un seul écosystème entre Sony et Microsoft pour plusieurs années à chaque génération de console.

Distribuer sa console a un plus grand nombre de joueurs permet enfin de bénéficier d’un effet bien connu en économie, l’effet de réseau : c’est à dire que l’utilité d’un bien ou service augmente pour une personne avec la nombre d’autres utilisateurs de ce bien ou service. Par exemple, l’intérêt pour moi d’utiliser Instagram est directement lié aux nombres de personnes l’utilisant aussi. Si j’étais seul, Instagram me serait inutile, mais vu qu’il y a des centaines de millions d’utilisateurs, j’accède à plus de contenu et mon contenu est plus visible. Il en va de même avec le jeu vidéo : bénéficier d’une plus grande base d’utilisateurs augmente l’incitation d’un éditeur à sortir ses jeux sur la console au regard des retombées économiques possibles en touchant un plus grand public, ce qui fait référence à la théorie dite des « marchés bifaces », c’est-à-dire deux clientèles distinctes sur un marché mais interdépendantes car l’existence d’une offre ramène de la demande et inversement : la présence de nombreux joueurs incite les éditeurs à porter les jeux sur la console et les portages incitent les joueurs à acheter la console. Cela permet aussi d’assurer l’existence d’une communauté de jeu en ligne, indispensable pour l’expérience du joueur.

Pourquoi le marché connaît une phase de concentration ?
Ce fonctionnement du secteur et son évolution actuelle poussent ainsi à la volonté de racheter des éditeurs pour la simple et bonne raison que les licences permettent d’attirer les joueurs et de les fidéliser. Si Microsoft est autorisé à racheter Activision-Blizzard, les licences de la firme pourront devenir soit gratuites avec les abonnements Xbox Game Pass, soit, de façon encore plus radicale, exclusives à Xbox.
Car la conséquence de jeux qui ne sont pas compatibles entre consoles, c’est que des licences peuvent devenir exclusives à une seule console : Sony possède ainsi des exclusivités considérées généralement comme les meilleures du marché (y compris par Microsoft[9]) et qui poussent les joueurs à l’achat d’une Playstation (God of War, The Last of Us, Gran Turismo…). Microsoft, malgré quelques licences exclusives phares (Halo ou Forza par exemple) n’a jamais su faire de ses IP une force comme Sony.

A l’heure de l’écosystème complet où la console en elle-même n’a plus autant d’importance financièrement que les revenus qu’elle permet d’engendrer, il s’agit d’une faiblesse à laquelle Microsoft doit remédier. Microsoft mise énormément sur le Game Pass pour ça, son service de jeu en libre accès en ligne au près de 30 millions d’abonnés[10], équivalent d’un Netflix ou Spotify. Faisons un rapide calcul : une console de dernière génération comme une Xbox Series X est vendue 500€ et un mois d’abonnement au Game Pass ultimate est à 13€ par mois. Supposons une durée de vie d’une console de l’ordre de 5 ans. L’abonnement sur cette durée rapportera 780€ et permettra de compenser la perte sur le hardware, sans même considérer les autres rentrées financières. De plus, Microsoft est capable de faire évoluer le prix de cet abonnement à la hausse en ajoutant de nouvelles licences, tout en sachant qu’il est devenu difficile pour un joueur de s’en passer puisqu’il n’y a pas de concurrence, à moins de passer sur un autre écosystème (Microsoft a déjà suggéré une telle hausse pour l’avenir[11]). La capacité à acquérir de nouvelles IP est donc déterminante pour les revenus de Xbox, à la fois pour attirer plus de joueurs, mais aussi pour les pousser à payer de plus en plus cher le contenu de l’écosystème.
Un autre phénomène rend cette capacité à se distinguer par les IP de plus en plus essentielle : la concurrence en termes de “specs”, c’est-à-dire de capacités techniques, est de moins en moins essentielle. Alors que les consoles ont vu leurs capacités exploser depuis les années 1990, on atteint aujourd’hui un niveau graphique et de qualité d’expérience qui rend toute avancée moins exceptionnelle et différenciante qu’il y a quelques années : les temps de chargement sont devenus ridicules, les mondes ouverts ne se font plus concurrence sur leur taille et la capacité d’un jeu à tourner à 60 FPS dépend plus de l’optimisation du jeu que de la console. La dernière génération, PS5 et Xbox Series, ne mise plus vraiment sur une guerre de la qualité technique, mais surtout de l’expérience du joueur. De plus, la course au plus beau jeu ne garantit moins que jamais la réussite commerciale.
L’incroyable succès de la Nintendo Switch (plus de 110 millions de ventes à ce jour), malgré des capacités techniques plus faibles que les autres consoles, s’explique par la réussite des licences Nintendo : Mario Kart 8, Animal Crossing: News Horizons, Super Smash Bros. Ultimate, The Legend of Zelda: Breath of the Wild, Pokémon Epée/Bouclier, Super Mario Odyssey font tous partie des 50 jeux les plus vendus de tous les temps et sont tous exclusifs à la seule Switch[12].

L’expérience de la mini-guerre entre le HD DVD de Toshiba et le Blu-ray de Sony entre 2006 et 2008 a permis à Sony de constater que quand la compétition technique devient imperceptible, c’est la capacité à attirer les acteurs du marché sur son standard qui devient déterminante : Sony a réussi à gagner la bataille grâce à des partenariats stratégiques (Walmart, Blockbuster, Target) et l’inclusion d’un lecteur Blu-ray dans sa PlayStation 3, devenant le standard de facto du secteur et tuant le HD DVD[13].

Ainsi, il est facile de comprendre pourquoi certains éditeurs seraient tentés d’être rachetés par Microsoft : Activision-Blizzard génère des revenus conséquents mais uniquement issus des ventes qu’il peut réaliser sur ses licences (et quelques valorisations marginales dans d’autres secteurs), alors que Microsoft pourrait ajouter à ces ventes la capacité de ces IP à faire venir des joueurs dans son écosystème, générant d’autres revenus par ailleurs qui ne sont pas directement liés aux licences Activision mais simplement à la présence d’un joueur Xbox supplémentaire. Ainsi, la valeur potentielle d’Activision est plus élevée pour Microsoft que pour les actionnaires d’Activision. Ce qui explique que Microsoft soit prêt à mettre sur la table plus de 68 milliards de dollars, un prix plus élevé de 45 % que la valorisation boursière de 45 milliards pré-annonce de rachat[14].

Évidemment, l’incitation à accepter l’offre de la part des éditeurs est très forte, mais il faut y ajouter les difficultés que leur business model rencontre ou peut rencontrer d’ici quelques années. D’une part, le coût des jeux dits AAA a explosé depuis plusieurs années et impose des dépenses massives réservées qu’à quelques acteurs : mettre 50 ou 100 millions de dollars (et de nombreux talents) dans un jeu qui risque de ne pas marcher, c’est un risque financier conséquent[16]. Seuls les plus gros éditeurs et les acteurs comme Microsoft ou Sony peuvent à terme assurer ces coûts et les rentabiliser. Même de très gros éditeurs peuvent sombrer en quelques années après quelques échecs commerciaux : THQ a ainsi connu la gloire avant de faire faillite suite aux échecs de Red Faction: Armageddon, Homefront et Udraw[17].
Cela explique pourquoi, après avoir quitté Konami, le très renommé Hideo Kojima a décidé de rendre exclusif à la Playstation son jeu Death Stranding : ayant abandonné son éditeur de toujours, Kojima a eu besoin des largesses financières de Sony pour assumer les coûts de développement de son titre. Cela explique aussi pourquoi les joueurs reprochent le manque de prise de risque des studios qui ont tendance à sortir épisode sur épisode des mêmes licences en évitant de s’aventurer sur de nouveaux terrains. Un acteur comme Activision-Blizzard est tenté de capitaliser de plus en plus sur le jeu mobile, plus dynamique et sécurisant que le marché console/PC.
A l’opposé des jeux AAA, ces éditeurs sont aussi concurrencés par les studios indépendants qui utilisent les nouvelles méthodes de marketing et distribution pour se passer des services des gros éditeurs. Le jeu indépendant ne s’est jamais aussi bien porté avec des succès dignes de jeux à gros budget dont le plus grand reste à ce jour Minecraft. Vendu à plus de 200 millions d’exemplaires, ce jeu a initialement été développé par une seule personne avant d’être racheté par Microsoft pour 2,5 milliards de dollars. Depuis, il n’est pas rare de voir un jeu indépendant être sur le haut de l’affiche : Rocket League (40 millions de copies), Terraria (35 millions) ou Among Us (15 millions) parmi d’autres[18]. Paradoxalement, c’est bien le fait que les AAA soient de plus en plus coûteux qui portent aussi la dynamique du jeu « indie » : les coûts élevés impliquent de réutiliser les mêmes licences et recettes pour éviter de prendre des gros risques financiers, ce qui laisse de grandes marges au jeu indépendant pour développer de nouveaux concepts originaux délaissés avec des budgets réduits, rentabilisant le projet avec moins de joueurs.

Il existe plusieurs raisons à ces succès qui se passent de la force de frappe des grands éditeurs. La première est liée aux moyens de distribution : le jeu physique vendu en magasin n’est plus la norme, il suffit désormais de télécharger un jeu pour quelques euros dans une boutique en ligne. La distribution d’un jeu s’en trouve grandement simplifiée et son coût réduit au strict minimum. Une seconde raison repose sur les outils marketing. Là où il fallait annoncer l’arrivée d’un nouveau jeu via de la publicité coûteuse sur différents supports, il suffit désormais qu’un jeu soit porté par une communauté de joueurs puis relayé sur les plateformes de streaming comme Twitch avec des joueurs/influenceurs pour en assurer le succès. Par ailleurs, les coûts de développement de ces jeux indépendants sont réduits par l’utilisation de moteurs graphiques de plus en plus faciles d’accès et modulables comme Unity. Quelle incitation trouvent alors ces studios à passer par des éditeurs dont le principal rôle est de fournir des moyens de développement, assurer le marketing puis la distribution des jeux ?

La concentration du marché : nécessaire ou préjudiciable ?
La principale question qui mérite d’être posée en conclusion de cette analyse est la suivante : est-ce que le joueur a plus à y gagner ou à y perdre ? Est-ce que le mouvement de concentration actuel est le signe d’une maturité nécessaire du secteur ou le fruit d’une politique de prédation qui sera in fine néfaste au consommateur ?
Il s’agit alors d’une appréciation très complexe qui ne passe pas par une réponse binaire, mais par des nuances et des conditions. En tout état de cause, le jeu vidéo n’a pas eu à souffrir d’un manque de standard sur le modèle de ce qu’on a pu observer dans le secteur de la musique ou du film, la concurrence entre quelques constructeurs de console et leur volonté d’attirer les éditeurs a permis de pousser leurs consoles à proposer toujours de meilleures performances tout en limitant le prix pour le consommateur final : avoir un nombre resserré de constructeurs permet de créer la concurrence nécessaire à l’innovation et à la pression sur les prix tout en maintenant des parts de marché assez importantes pour justifier des coûts de développement considérables.
Mais cette concurrence pourrait perdre en intérêt pour les joueurs si elle devait désormais passer par une hausse des exclusivités plutôt qu’une course technique, une baisse des prix ou une incitation à développer de nouvelles licences. Si un constructeur de console pouvait s’assurer de disposer d’un catalogue exclusif disproportionné, il pourrait plus aisément en profiter pour augmenter les prix ou dégrader la qualité de l’expérience sans risquer de perdre trop de joueurs.
Toutefois, il faut aussi noter que même si le marché des éditeurs de jeux AAA a tendance à se resserrer autour de quelques acteurs, le marché du jeu vidéo est devenu plus « contestable » : un marché contestable, au sens économique, est un marché sur lequel la concurrence est limitée mais le risque de voir entrer de nouveaux acteurs reste assez élevé pour limiter les pratiques abusives des acteurs en place. La montée en puissance du jeu indépendant et les facilités de développement et distribution évoquées plus haut, c’est-à-dire les « coûts d’entrée » sur le marché, impliquent que les joueurs pourraient assez vite se détourner de licences surexploitées et répétitives. Il reste toutefois difficile de mesurer à quel point le jeu indépendant et les jeux AAA peuvent se substituer l’un à l’autre et donc à quel degré le marché du jeu vidéo est réellement contestable. Une telle question sera essentielle pour les autorités de la concurrence qui doivent réussir à évaluer le risque.
A l’heure actuelle, il est donc difficile de donner un avis définitif sur l’effet du rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft. Les arguments concernant la nécessité de consolider le secteur pour continuer à assurer les coûts de développement titanesques s’entendent mais il faut être plus que prudent pour ne pas perdre l’équilibre entre Microsoft et Sony qui a permis au secteur de croître sainement depuis 20 ans.
Plutôt qu’une réponse par oui ou par non, il y a fort à parier qu’une autorisation partielle de rachat ou un rachat sous conditions, par exemple en obligeant Microsoft à maintenir les licences phares d’Activision dans le catalogue Sony, soit la solution optimale pour concilier les besoins des acteurs avec les intérêts des joueurs. C’est une ligne de crête sur laquelle les autorités de la concurrence vont devoir marcher entre la consolidation financière du secteur dont le modèle évolue et la volonté de maintenir aussi ouvert que possible le catalogue de jeux auquel les joueurs peuvent avoir accès.
[1] Patel, K. (2022).11 biggest M&A deals of 2022 (so far). Dealroom. URL : https://dealroom.net/blog/biggest-m-a-deals-2022
[2] Sauronemx338 (2022). Sony aurait vu la Commission Européenne à propos du rachat d’Activision par Microsoft. Xboxygen. URL : https://www.xboxygen.com/News/42605-Sony-aurait-vu-la-Commission-Europeenne-a-propos-du-deal-Activision-Microsoft
[3] Radic, V. (2021). The Highest-Selling Call Of Duty Games, Ranked (& How Much They Sold). Gamerant. URL : https://gamerant.com/highest-selling-call-of-duty-games-ranked-by-amount-sold-world-at-war-modern-warfare-black-ops/
[4] Palanchini, C. (2022). Marvel racheté : la meilleure affaire de Disney !. Allociné. URL : https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18714580.html
[5] Richaud, N. (2020). Quatre ans après son méga-rachat par Microsoft, LinkedIn poursuit sa croissance fulgurante. Les Échos. URL : https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/quatre-ans-apres-son-mega-rachat-par-microsoft-linkedin-poursuit-sa-croissance-fulgurante-1208075
[6] Trouvé, P. (2021). Jeux vidéo : l’UE approuve le rachat de ZeniMax Media (Bethesda, id Software…) par Microsoft. Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/03/08/jeux-video-l-ue-approuve-le-rachat-de-zenimax-media-bethesda-id-software-par-microsoft_6072375_4408996.html
[7] Allard, C. (2022). Xbox perd de l’argent… par votre faute. Gameblog. URL : https://www.gameblog.fr/jeu-video/ed/news/xbox-perd-de-largent-a-cause-de-vous-409303
[8] Datuin, S. (2022). Xbox’s 2021 revenue set record high, exceeded $16 billion. Dot Esports. URL : https://dotesports.com/business/news/xboxs-2021-revenue-set-record-high-exceeded-16-billion
[9] Nightingale, E. (2022). Microsoft admits « many » PlayStation exclusives « better quality » than those on Xbox. Eurogamer. URL : https://www.eurogamer.net/microsoft-admits-many-playstation-exclusives-better-quality-than-those-on-xbox
[10] (2022). Le Xbox Game Pass aurait atteint 29 millions d’abonnés selon Sony. Xboxygen. URL : https://www.xboxygen.com/News/43199-Le-Xbox-Game-Pass-aurait-atteint-29-millions-d-abonnes-selon-Sony
[11] Cooper, D. (2022). Xbox Game Pass, Console, and Game Price Increases Possible. Gamerant. URL : https://gamerant.com/xbox-game-pass-price-increase-phil-spencer/
[12] List of best-selling video games. Wikipedia. URL : https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_best-selling_video_games
[13] High-definition optical disc format war. Wikipedia. URL : https://en.wikipedia.org/wiki/High-definition_optical_disc_format_war
[14] Bayre, G. (2022). Microsoft rachète Activision-Blizzard, valorisé 68,7 milliards de dollars. BFM Bourse. URL : https://www.tradingsat.com/actualites/informations-societes/microsoft-en-passe-de-racheter-activision-blizzard-valorise-687-milliards-de-dollars-1002233.html
[15] Fassinou, B. (2022). Activision Blizzard gagne plus d’argent avec ses jeux mobiles qu’avec tous ses jeux pour console et PC réunis, selon un rapport de l’entreprise. Développez.com. URL : https://jeux.developpez.com/actu/335644/Activision-Blizzard-gagne-plus-d-argent-avec-ses-jeux-mobiles-qu-avec-tous-ses-jeux-pour-console-et-PC-reunis-selon-un-rapport-de-l-entreprise/
[16] Brightman, J. (2017). Rising game dev costs put squeeze on mid-tier studios. Games Industry. URL : https://www.gamesindustry.biz/rising-game-dev-costs-put-squeeze-on-mid-tier-studios
[17] Lien, T. The Fall of THQ. Polygon. URL : https://www.polygon.com/covers/2014/12/9/7257209/the-fall-of-thq
[18] Mutuku, R. (2021). Top 20 best selling indie games of all time you should try out. Tuko. URL : https://www.tuko.co.ke/421556-top-20-selling-indie-games-time-out.html
[19] (2022). Classement des chaînes Twitch les plus suivies en France en mars 2022. Statista. URL : https://fr.statista.com/statistiques/1298786/chaines-twitch-les-plus-suivies-france/